There will be blood est un casse tête à critiquer. Non pas que je ne sache pas si j'ai aimé ou pas, simplement, comme pour tout film qui me touche particulièrement, je me sens atteinte à tellement de niveaux que j'aurai du mal à mettre les mots dessus. Néanmoins, j'ai très envie d'en parler, et surtout de convaincre ceux qui passeront par ici d'aller le voir, si ce n'est pas déjà fait.
Paul Thomas Anderson a porté à l'écran un livre d'Upton Sinclair,
Oil!, qui raconte l'ascension d'un chercheur de pétrole aux Etats-Unis. Le film s'ouvre donc sur un décor perdu au milieu des collines, arride en surface mais regorgeant d'immenses richesses en profondeur. Henry Plainview creuse et trouve, engage des ouvriers, étend ses horizons à de nouveaux puits à travers le Sud des Etats Unis. Il élève son fils froidement nommé H.W. au milieu du pétrole, en fait son associé et l'emmène avec lui en guise de faire valoir, pour attendrir les paysans dont il convoite les terres, et étend ainsi son pouvoir et sa fortune.
There Will Be Blood raconte l'histoire d'un homme ambitieux, amoureux de cet or noir et suintant plus que du genre humain, magnifiquement interprété Daniel Day-Lewis.
Mais au-delà de ce cadre personnel, c'est d'un capitalisme avide et éfreiné qu'il est question, cette soif de richesse poussé à la folie - Henry Plainview n'a d'autre but que de s'enrichir - qui laisse de côté l'être humain, celle-là même qui, non pas que je veuille paraître militante, mine actuellement notre civilisation.
Face à cet acharnement vénal s'élève alors une autre puissance, incarnée par Eli Sunday (Paul Dano, excellent), jeune prêtre fanatique, guide d'une nouvelle Eglise aux pratiques oscillant entre la secte et le télévangélisme. S'entame entre les deux hommes, Plainview et Sunday, le capitalisme et la religion, un ballet meurtrier, où chacun cherche chez l'autre ce qu'il peut tirer de lui, sans qu'il puisse y avoir de réel gagnant. Les puissances, en s'affrontant, détruisent autour d'elles les faibles et les pauvres, l'or noir se mêle au sang d'une humanité blessée à mort.
Paul Thomas Anderson nous livre donc une puissante allégorie, dépeignant un monde aux mains de deux monstres, sans être démonstratif pour autant. Le réalisateur de
Magnolia réussit à toucher du même coup le spectateur plus personnellement: les sirènes inquiétantes de Jonny Greenwood font vibrer l'esprit et le coeur d'une même terrible mélodie.